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LES OISEAUX DE PROIE

Dans cette brillante après-midi du mois de juin, les autres jeunes filles bavardaient à pleine volée : elles attendaient les vacances, faisaient des projets. Charlotte, elle, soupirait en pensant que son dernier semestre touchait à sa fin. Elle était assise à l’ombre d’un groupe d’arbres, ayant sur ses genoux un ouvrage au crochet, et à côté d’elle, son amie de prédilection, Diana Paget.

C’est dans cette institution même que Priscilla Paget avait régné en souveraine, pendant les quinze dernières années, sur quarante à cinquante jeunes filles. Diana était celle que Charlotte avait choisie pour sa compagne préférée et sa confidente ; elle s’était attachée à elle avec une Constance que l’absence et la mauvaise fortune n’avaient pu altérer. Charlotte savait très-bien que Diana était une parente pauvre, que ses notes de pension n’étaient pas payées, que tous les innombrables et mystérieux extras, qui font le désespoir des parents et les délices des maîtresses de pension, n’avaient rien à voir avec Diana. Charlotte savait que la pauvre Diana était partie subitement un jour sans que son père l’eût demandé, mais par la simple raison que la patience de sa parente avait été lassée par les procédés du capitaine. Il n’est pas probable que Priscilla ait jamais parlé de cela ; mais, ceci est un axiome, dans une pension tout se sait, et les jeunes filles avaient souvent, le soir en se déshabillant, au dortoir, discuté entre elles les délits du terrible capitaine Paget.

Charlotte savait sur le bout du doigt que son amie était une personne qu’il n’y avait aucun profit à connaître. Après avoir vu Diana partir d’une façon presque honteuse, elle l’avait vue revenir mystérieusement à la suite d’une absence de plusieurs années, très-pauvrement vêtue, très-triste, et en même temps très-peu dis-