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LES OISEAUX DE PROIE

manquer d’arriver à celui qui aurait mis toute son énergie à la poursuivre. Il avait pris en main plusieurs affaires de successions dans lesquelles, à force de travail et d’efforts obstinés, il était arrivé à renouer tous les anneaux un à un ; il avait compulsé les registres des paroisses, pris des notes, fait des copies, et la froide atmosphère des sacristies lui était devenue aussi familière que l’air de Gray’s Inn ; mais le fil de toutes ces affaires s’était toujours trouvé brisé à un moment donné. Après avoir dépensé beaucoup de temps, de patience, et d’argent, soit en voyages, soit en gratifications à des gens de bas étage ; après avoir écouté sans se lasser les divagations des clercs ou des vieux habitants de différentes paroisses, George avait fini par renoncer successivement à toutes ses espérances. Un homme moins persévérant eût été las bien plus vite et eût planté là bien plutôt les arbres morts des généalogies.

Mais les idées de George Sheldon étaient tenaces, et il en poursuivait la réalisation avec une opiniâtreté qui touchait au génie. Il voyait le succès de son frère et contemplait les splendeurs de la villa gothique avec plus de scepticisme que d’envie. Combien cela durerait-il ; combien de temps l’agent de change flotterait-il triomphalement sur cette étonnante marée produite par le flux et le reflux des valeurs cotées ?

« Cela va très-bien tant qu’un homme garde sa tête et son sang-froid, pensait George ; mais d’une manière ou d’une autre les gens de bourse arrivent toujours à perdre l’une et l’autre plus tôt qu’il ne faudrait. Un de ces jours mon frère, avec toute sa sagesse, finira par tomber dans le gouffre comme un autre. À tout prendre, je préfère encore mes chances aux siennes,