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LES OISEAUX DE PROIE

sentait glacée, en suivant jour par jour les progrès de l’ascendant qu’exerçait sur Valentin cette écolière ingénue. Ce qui rendait Charlotte irrésistible aux yeux de Valentin, c’était précisément cette candeur débordante qu’il n’avait pas encore rencontrée chez les femmes qu’il avait jusqu’alors fréquentées. Il en avait vu beaucoup de belles, d’élégantes, de séduisantes ; mais cette naïve nature de jeune fille, cette franchise d’enfant étaient comme autant de révélations pour lui. En effet, dans la triste vie qu’il avait menée, où aurait-il pu rencontrer rien de pareil ? Pour la première fois un jeune cœur découvrait des trésors de pureté et de tendresse à ses regards blasés et son cœur subissait une influence étrange et inconnue. Il avait eu de l’admiration pour Diana ; il avait été touché de son affection, il l’avait aimée autant qu’il se croyait capable d’aimer une femme ; mais lorsque la prudence et l’honneur lui avaient conseillé de ne pas s’abandonner à ce penchant, la lutte ne lui avait occasionné ni déchirements, ni désespoir. Il s’était dit qu’une union ne pouvait jamais résulter de son amour pour la fille du capitaine, et il avait mis de côté cet amour. Il avait fait cela avec beaucoup de courage et de résolution, en dépit de langoureux et tristes regards qui auraient attendri tout autre homme que lui. Il avait eu de l’orgueil et de la fermeté.

« Cela vaut mieux pour elle et mieux pour moi, se disait-il à lui-même. Le temps mettra ordre à ses fantaisies de fillette ; il faut qu’elle attende avec patience que sa beauté lui apporte l’occasion de se marier richement. Quant à moi, si jamais je me marie, ce ne peut être qu’avec la veuve d’un riche commerçant. »

L’influence du monde dans lequel son existence s’était