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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/192

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LES OISEAUX DE PROIE

— Il aurait pu se faire qu’on vous entourât la cheville d’un anneau de métal et qu’on vous envoyât un peu loin réfléchir en la compagnie de quelque aimable no 444, dit en riant Valentin ; à votre place je n’userais plus des prérogatives du Roi, de ce côté du canal. »

Le capitaine lui lança un regard glacial ; puis, ils commencèrent une longue discussion sur la recherche des meilleurs moyens de réussir. Le résultat de cette discussion fut leur départ immédiat pour Paris. Là, les deux hommes choisirent une carrière modeste, toute commerciale. Ils se firent agents et représentants d’une maison brevetée pour un perfectionnement de la gutta-percha, qui était annoncé comme devant être désormais applicable à tous les usages imaginables : elle pouvait chausser les enfants et servir de toits aux cathédrales. Il y a des jours où le génie, tout à la recherche de la pitance journalière, descend des hauteurs. Pendant douze mois, l’élégant Paget se contenta de faire servir toutes ses facultés à l’éloge perpétuel de l’inimitable, indestructible, et incombustible caoutchouc, moyennant une très-modeste commission quand il écoulait le produit. Dépenser tant d’éloquence pour mettre dans sa poche quelques sous, ce n’est pas peut-être le dernier mot de la probité, mais dans le commerce, c’est admis. Ce fut seulement lorsque le capitaine eut raisonnablement garni son porte-monnaie, grâce à sa rhétorique, qu’il trouva la position d’agent et de représentant commercial indigne de lui. Il se décida, dès lors, à retourner dans son pays natal. À cette époque, les sociétés en commandite commençaient à se multiplier dans le monde des affaires ; or, là où se forment des projets pour attirer les capitaux publics, il y a toujours place pour des hommes de la trempe d’Horatio ; ils n’ont be-