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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/193

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LES OISEAUX DE PROIE

soin que d’une voiture de louage pour donner confiance aux moins téméraires des spéculateurs.

Le capitaine vint comme d’ordinaire avec son fidèle Valentin, toujours prêt à affronter la fortune, à aborder les hasards de l’avenir. Paget et lui, une fois à Londres, eurent la chance de rencontrer Sheldon.

L’alliance qui s’établit entre ce gentleman et le capitaine ouvrit à ce dernier des horizons nouveaux très-attrayants. Sheldon était intéressé dans la fondation d’une certaine société en commandite, mais il avait des raisons particulières pour ne pas y paraître en titre. Un cheval n’est pas chose difficile à trouver sur le marché de Londres, mais un cheval d’allure imposante, qui porte la tête haute, qui ait l’air d’avoir de la race, dont la bouche délicate soit sensible, qui ne rue pas, ne se cabre pas, ne fasse pas d’écarts, c’est une autre affaire. Le capitaine était un cheval de cette espèce, et Sheldon ne fut ni long à le juger, ni à l’utiliser. Il est à peine nécessaire de dire que l’agent de change n’eut néanmoins confiance dans sa nouvelle recrue que juste autant qu’il y fut forcé, et que le capitaine et lui se comprirent à demi-mot sans en avoir l’air. Pour Paget, le soleil de la prospérité se levait avec une splendeur inaccoutumée. Il pouvait payer exactement ses loyers d’hôtel garni, ce qui lui donnait quelque chose de respectable. Il avait à ses ordres, tous les jours, un brougham très-propre, que les malins seulement reconnaissaient pour une voiture de remise. Il dînait aux restaurants à la mode, portait des gants, des fleurs à la boutonnière.

Pendant que le maître faisait florès, son subordonné était comparativement oisif. La tournure et les façons patriciennes du capitaine étaient pour celui-ci une