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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/20

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LES OISEAUX DE PROIE

un signe de sa volonté, Sheldon faisait sortir à son heure celle dont il avait besoin. Ce soir-là, il resta plongé dans ses réflexions jusqu’au moment où il fut interrompu par le bruit d’un double coup de marteau frappé à sa porte. Cette façon de frapper était évidemment familière à son oreille, car il murmura : « George ! » mit de côté son pupitre, et se leva sur le tapis du foyer pour recevoir le visiteur attendu.

Une voix d’homme se fit entendre en bas ; une voix qui ressemblait à celle de Sheldon lui-même. Puis, un pas vif et ferme résonna dans l’escalier, la porte s’ouvrit, et un homme, qui lui-même ressemblait beaucoup à Sheldon, entra dans la chambre. C’était George Sheldon, le frère de Philippe Sheldon de deux ans plus jeune que lui. On n’eût, certes, pas pris les deux hommes l’un pour l’autre ; mais ils se ressemblaient beaucoup, et l’on voyait tout de suite qu’ils étaient frères. Leurs façons surtout étaient les mêmes. Ils étaient de la même taille, grands et bien conformés. Ils avaient tous deux les yeux noirs et brillants, les favoris et les cheveux noirs, les mains nerveuses, le bout des doigts carré, et le poignet osseux. Quelque chose d’âpre les distinguait, mais ce quelque chose avait été assoupli par les frottements de la vie moderne. À la première vue, ils pouvaient plaire ou déplaire ; mais quelle qu’eût été la première impression, on ne pouvait s’empêcher en les examinant de penser vaguement à ces hommes du Nouveau-Monde, solides et agiles, au regard clair, aux manières gracieuses et cassantes, qui conservent en eux je ne sais quoi de menaçant.

Ils s’accueillirent par un signe de tête amical ; ils étaient trop pratiques pour se livrer à aucune démons-