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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/255

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LES OISEAUX DE PROIE

jeune André fut témoin, témoin caché, d’une scène étrange. Il aperçut une fosse ouverte tout à côté de cette grille, et vit un petit cercueil que descendaient silencieusement dans cette fosse le sacristain d’alors et un homme étranger qui s’en alla ensuite dans une voiture des pompes funèbres. Cette voiture qui attendait à la porte avait, sans aucun doute, dû amener l’étranger et le petit cercueil. Avant son départ, l’étranger avait aidé à combler la fosse. Quand cela fut fait, Matthieu Haygarth donna de l’argent aux deux hommes… de l’or même, à ce que crut voir André, et plusieurs pièces à chacun. Les deux hommes s’en allèrent ; mais M. Haygarth resta longtemps. Dès qu’il se crut seul, il s’agenouilla près de la petite tombe, se couvrit le visage avec les mains, et se mit à pleurer ou à prier ; André Hone n’a pu me dire lequel des deux. S’il pleurait, il pleurait silencieusement. À partir de cette même nuit, d’après ce que m’a dit mon sacristain, Matthieu Haygarth alla véritablement en déclinant. Mme Rebecca, à son retour de sa tournée religieuse, eut pour son mari les plus tendres soins, bien que, autant que j’ai pu le savoir, ce fût une femme assez froide. Il mourut trois semaines après l’événement que je viens de vous dire, et fut enterré dans ce caveau, tout à côté du petit cercueil.

« Je remerciai M. Wendover de sa narration et le priai d’agréer mes excuses pour le dérangement que je lui avais occasionné.

« — Ne parlez pas de dérangement, répondit-il avec bonté, j’ai l’habitude de raconter cette histoire. Je l’ai entendue bien des fois de la bouche du vieil André, et je l’ai contée bien souvent moi-même.

« — Cela a tout l’air d’une légende, dis-je, je n’aurais pas cru qu’une pareille chose fût possible.