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LES OISEAUX DE PROIE

Réclamez lettres de suite. — Argent envoyé ce soir par poste. »

« Tel était le message de Sheldon, court et précis, dans les limites de la taxe pour vingt mots. Je retournai chez Goodge ; je lui dis que ses conditions étaient acceptées. Je lui communiquai le télégramme sur sa demande et lui demandai de me remettre les lettres.

« J’aurai dû mieux connaître mon révérend ami et ne pas m’imaginer qu’il consentirait à se dessaisir de ses documents avant d’avoir touché son argent.

« Il se mit à sourire d’un petit sourire machiavélique.

« — Les lettres ont attendu longtemps, jeune homme, dit-il, après qu’il eut examiné le télégramme aussi attentivement que s’il eût été écrit en caractères puniques, et vous voyez qu’elles ont bien fait d’attendre. Elles peuvent bien attendre encore. « Si tu es sage, tu emploieras ta sagesse pour toi-même. » Vous pouvez venir chercher les lettres demain, et apporter l’argent. Disons à onze heures du matin.

« Je mis mon chapeau et souhaitai le bonjour à mon ami. J’ai été souvent tenté de jeter quelque chose à la tête des gens et me suis retenu ; mais jamais Satan ne m’avait aussi vivement tenté qu’en ce moment. Je crois bien que, si j’avais eu sous la main un tisonnier ou un couteau à découper, je l’aurais envoyé par le nez patriarcal de mon saint Jonas. Dans l’état des choses, je lui souhaitai le bonjour et revins à mon hôtel, où je dînai très-vite. Je n’emportais qu’un petit sac de voyage ; je ne devais probablement être de retour que le lendemain soir au plus tôt.

« J’arrivai à la station dix minutes avant le départ du train. J’eus le temps d’épuiser l’intérêt que recèlent les