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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/29

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LES OISEAUX DE PROIE

triste. Il n’y prit pas garde. Il n’était point superstitieux. Son esprit froid ne se laissait pas distraire par les choses surnaturelles. Il était de ceux qui pensent qu’avec un crayon et un bout de papier on peut mettre en formules très-nettes les problèmes les moins accessibles à l’homme.

« Je ferai mieux de lire l’exposé de cette affaire avant qu’ils arrivent, dit-il, ayant probablement épuisé le sujet de ses réflexions. Il n’y a pas de meilleur moment que celui-ci pour le faire librement, à ma guise. Dans le jour, on ne sait jamais si l’on n’est pas épié, espionné. »

Il regarda à sa montre, puis alla à une armoire où il prit de petits fagots, des allumettes, et de vieux journaux. Parfois il allumait son feu lui-même et notamment lorsqu’il voulait, la nuit, travailler plus fort que de coutume ou le matin de bonne heure. Il le ralluma aussi habilement que la ménagère la plus entendue et resta à le surveiller jusqu’à ce qu’il fût pris par tous les bouts. Puis il prit son bougeoir et descendit l’escalier qui conduisait à la pièce où il arrachait avec des pinces les dents de ses semblables. La grande chaise garnie de crin, éclairée par la pâle lumière du bougeoir, avait comme une apparence fantastique ; l’imagination d’une personne plus impressionnable eût pu la croire occupée par le fantôme d’un patient, expiré sous les tenailles de Sheldon. Il alluma le gaz d’un bec mobile qu’il avait l’habitude de faire arriver presque dans la bouche des clients qui venaient le soir. De chaque côté de la cheminée se trouvaient des armoires qui servaient de bibliothèque ; les livres n’avaient pas une grande valeur, et, néanmoins, les armoires étaient constamment fermées.

Sheldon prit une clef dans la poche de son gilet, puis