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Page:Braddon - Les Oiseaux de proie, 1874, tome I.djvu/36

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LES OISEAUX DE PROIE

jaloux ; elle se demandait sans cesse où pouvait être un homme aussi souvent absent de chez lui. Elle n’avait jamais été très-éprise de son mari, mais ce n’était pas une raison pour qu’elle ne fût pas très-jalouse. Cette jalousie se manifestait d’une façon maussade et fatigante, plus terrible à supporter que la fougue vengeresse de Clytemnestre. C’était vainement que Halliday et ses gais compagnons, ses amis, lui certifiaient l’innocence arcadienne des courses de chevaux et la pureté exquise de l’atmosphère fumeuse des parloirs de tavernes. Les soupçons de Georgy étaient trop vagues pour être réfutés, mais cependant assez fondés pour être l’occasion de bouderies, de reproches, toutes choses qui sont, par essence, les plus féminines et les plus ennuyeuses du monde.

Cependant l’honnête et bruyant Tom faisait tout ce qu’il pouvait pour lui prouver sa bonne foi et son attachement : il achetait à sa femme autant de robes de soie et de chapeaux qu’elle pouvait en porter. Il fit un testament par lequel il l’instituait sa seule légataire, et poussa même la sollicitude jusqu’à faire assurer sa propre vie, à différentes compagnies, pour un capital de cinq mille livres.

« Je suis d’une nature à pouvoir être enlevé subitement, disait-il à Georgy, et votre pauvre père désire que je mette en bon ordre tout ce qui vous concerne. Je ne suppose pas que vous vous remarierez, ma chère ; par conséquent, je n’ai pas de précautions à prendre pour la petite fortune de Charlotte. Si je dois la confier à quelqu’un, il vaut mieux que ce soit à ma petite femme qu’à un beau parleur de tuteur qui spéculera à la Bourse avec l’argent de ma fille et prendra la route de l’Australie lorsque tout sera mangé. Si vous voulez avoir confiance