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LES OISEAUX DE PROIE

— Oui, je crois que j’éprouve une ombre de mieux ; mais le diable veut que ce ne soit jamais qu’une ombre. Le mieux ne va pas plus loin. La petite ne se plaint plus de moi, n’est-ce pas, maintenant, Sheldon… ni de mes retards, ni de mes soupers aux huîtres ?…

— Non, non, plus à présent. Vous aurez à vous ménager pendant une ou deux semaines, lorsque vous serez rétabli. »

Halliday sourit un peu.

« Je me surveillerai, soyez tranquille, si jamais je me rétablis ; vous pouvez y compter… Mais figurez-vous que je m’imagine quelquefois avoir fait mon dernier souper en ce monde… Je crains que le moment ne soit arrivé où il faut que je pense sérieusement à d’autres choses… Tout ce qui concerne ma petite femme est en règle, Dieu merci !… J’ai fait mon testament il y a plus d’un an et j’ai assuré sur ma vie une somme assez ronde presque aussitôt mon mariage… Le vieux Cradock ne m’a pas laissé en repos jusqu’à ce que ce fût fait… Ainsi l’avenir de Georgy est en sûreté, mais quand un homme a vécu comme moi, insouciant, au jour le jour pour ainsi dire, sans grande religion, sans faire beaucoup de mal peut-être, mais sans faire beaucoup de bien non plus, il faut qu’il pense à l’autre monde, lorsqu’il se sent près de quitter celui-ci… Hier, j’ai demandé à Georgy sa Bible : la pauvre chère créature en a été toute effrayée, elle s’est écriée : « Ne me parlez pas de cela, Tom, M. Sheldon assure que vous allez de mieux en mieux. » Cela vous indique, mon cher, à quel point il est rare que je lise la Bible… Non, Philippe, je sais que vous avez fait pour moi tout ce que vous avez pu, mais je ne suis pas d’une forte constitution et je crains bien que tous les médicaments que vous pourrez me faire avaler n’y changent rien.