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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/113

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LE CORRECTEUR MODERNE
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meur à Paris ; de regrettables circonstances firent que l’illustre romancier supporta toute sa vie les conséquences d’une entreprise malheureuse. Il n’eut garde cependant de mésestimer les artisans qu’il avait vus à l’œuvre, et son opinion n’en est certes que plus précieuse : « À Paris, il se rencontre des savants parmi les correcteurs. » Pour qui connaît les inextricables difficultés qu’offraient au correcteur les manuscrits et les épreuves de Balzac, l’éloge est de valeur considérable.

Sans doute, il n’y a pas lieu de s’inscrire à l’encontre de considérations qui souvent ne sont que l’expression exacte de la vérité : « Force est bien au maître imprimeur de se contenter, la plupart du temps, d’hommes chez qui le soin, l’attention, une connaissance profonde des règles et des difficultés typographiques, une longue habitude de la profession, le tout joint à un fonds d’instruction solide, sont des garanties suffisantes pour la pureté du texte des livres qui sortent de leurs mains. » Mais l’on ne saurait non plus repousser cette conclusion qui nous paraît devoir s’imposer sans conteste possible : « Quand des savants et des lettrés de cet ordre n’ont pas dédaigné de corriger des épreuves, qui ne tremblerait de leur succéder ? Car on aurait mauvaise grâce à nous objecter que le temps de l’imprimerie savante est passé, et que plus n’est besoin pour le correcteur de ces aptitudes qu’il lui était indispensable de posséder autrefois. Si les ouvrages de littérature grecque ou latine, si les éditions curieuses d’auteurs anciens, si les traductions à glose savante sont passés de mode, la tâche du correcteur n’a pas cessé pour cela d’être ardue et délicate : la grande variété des livres qui s’exécutent dans une imprimerie semble exiger, pour la correction des épreuves, des encyclopédistes, c’est-à-dire des hommes possédant l’universalité des connaissances humaines. »

Cependant nombre d’auteurs sont loin d’avoir sur cette question une opinion analogue. À bon droit, le lecteur s’étonnera de rencontrer parmi ces écrivains les rédacteurs de la Grande Encyclopédie Ladmirault : «… Le rôle des correcteurs contemporains ne saurait atteindre le degré d’importance de leurs prédécesseurs ; ils ne sauraient faire revivre les anciennes traditions ; il faudrait pour cela que la nature des ouvrages comportât la correction dans son acception la plus large, et tel n’est pas le cas. »