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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

ces hommes qu’un labeur continu met en contact perpétuel avec les écrivains de tout genre. »

Il est d’ailleurs un fait avéré, qui n’a point manqué parfois d’exciter la verve et les railleries : « De tout temps l’imprimerie a été l’asile des talents méconnus ou éprouvés par la fortune, qui sont venus prendre rang parmi les correcteurs d’épreuves aussi bien que parmi les typographes. » On peut rappeler le souvenir de M. Dubner, qui fut l’ami et le collaborateur de M. Ambroise Firmin-Didot. Avec le concours d’un autre savant helléniste, Ch. Muller, M. Dubner consacra tous ses moments, toute sa science à la publication et à la correction du Thesaurus græcæ linguæ et de la Bibliothèque des auteurs grecs.

Firmin-Didot, dans une lettre datée du 1er novembre 1866, ajoute à ces noms d’autres noms non moins illustres : « Pour ne parler que de ceux que j’ai connus, le souvenir de Rœderer et de Béranger se présente à ma mémoire ; et ma famille se rappelle encore l’abbé de Bernis qui lisait des épreuves chez mon bisaïeul François Didot. »

Béranger fut non seulement correcteur, mais aussi compositeur. Lui-même en fait l’aveu dans une lettre écrite, le 22 décembre 1849, à M. Anatole Savé, un jeune apprenti typographe qui lui demandait conseil sur des vers de sa façon : « … Tout ce que je puis vous dire à ce sujet, c’est que bien longtemps encore après avoir quitté le composteur, il m’est souvent arrivé de le regretter ; et, quant aux vers, je ne sais trop encore si je dois me féliciter de ce que j’ai fait, tant cette pauvre profession laisse d’incertitude sur la valeur réelle des œuvres, quelques succès qu’elles obtiennent. »

« Cette liste serait incomplète si à tous ces noms nous négligions d’ajouter celui de l’homme réputé le plus profond penseur de notre époque : P.-J. Proudhon, qui a exercé, lui aussi, pendant longtemps les fonctions de correcteur à Besançon et à Paris. »

Encore faut-il cependant y joindre bien d’autres noms aussi fameux : François Buloz (1803-1877), le créateur de la Revue des Deux Mondes, qui fut prote-correcteur à l’imprimerie Everat, à Paris ; Michelet, Hégésippe Moreau, le Dr Peters, Pierre Leroux, Joseph Boulmier, Armand Marrast ; Auguste Bernard, qui devait devenir inspecteur général de l’Instruction publique.

Aussi ne faut-il point s’étonner de l’appréciation que porte sur ces collaborateurs un maître qui devait s’y connaître. Balzac fut impri-