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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/151

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RECRUTEMENT
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par Berthold Rembolt[1], son premier mari, elle épousa en secondes noces, au cours de l’année 1520, Chevalon[2], qui la laissa veuve en 1542. Pendant plus de cinquante ans, elle a soutenu les fatigues et la dépense de l’imprimerie ; mais ses plus beaux ouvrages sont ceux qu’elle fit pendant sa seconde viduité. On a d’elle une Bible latine, avec les notes de Jean Bénédicti, et un Grégoire en deux volumes, si corrects que l’errata n’est que de trois fautes[3]. » — D’après H. Martin[4], « le premier ouvrier — le prote-correcteur, faut-il croire — de cette imprimerie, qui avait conservé l’enseigne Au Soleil d’Or[5], fut la sœur de la veuve Rembolt, Michelle Guillard, qui épousa Guillaume du Bois. »

Ces exemples ne sont pas isolés, comme on serait tenté de le croire ; on nous permettra de rapporter ici d’autres faits non moins probants :

On sait ce que fut Plantin[6] : homme d’une haute culture intellectuelle, imprimeur dont le renom s’étendit bien au delà des frontières de sa petite patrie d’adoption, caractère droit alliant à une force morale qui lui permit de supporter mainte catastrophe une honnêteté à laquelle tous ses contemporains rendirent hommage.

On ne peut ainsi s’étonner que « Plantin[7] ait, dès leur prime jeunesse, initié ses enfants, et aussi ses petits-enfants, à craindre, à honorer et à aimer Dieu, le Roi, les magistrats et les autorités et à aider leur mère dans les besognes journalières[8]. Mais ce qui nous frappe et nous semble étrange, c’est d’apprendre que ses fillettes devaient corriger des épreuves en toutes langues, parce qu’à cet âge elles étaient trop faibles pour accomplir plus lourde besogne. Quoique probablement cette lecture d’épreuves n’ait comporté qu’une comparaison attentive entre la composition typographique et la copie manuscrite, toujours est-il qu’elle constitue un exercice auquel nous ne songerions jamais à soumettre aujourd’hui nos enfants.

  1. Berthold Rembolt, originaire de Strasbourg, fut un moment (avant 1510) l’associé de Gering ; vers 1513, il s’était établi rue Saint-Jacques en la maison à l’enseigne le Coq et la Pie ; il mourut en 1518.
  2. Claude Chevalon reprit la direction de l’imprimerie de Rembolt.>
  3. Bertrand-Quinquet, Traité de l’Imprimerie, p. 12 (an VII).
  4. Paris à travers les siècles, t. I, p. 310.
  5. Nous rappelons que très fréquemment les ateliers possédaient une enseigne particulière, distincte de celle de la maison en laquelle ils étaient établis.
  6. Voir page 82.
  7. D’après M. Maurice Sabbe, conservateur du Musée Plantin-Moretus, les Grands Belges : Christophe Plantin, p. 11 et 12 ; 1920.
  8. Correspondance de Plantin, II, 172.