Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/255

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des renvois se croisent et s’entrecroisent en un pêle-mêle inextricable qui encombre les marges, exige une attention soutenue et fatigue plus que de raison.

Tout à l’encontre des précédents auteurs, Lamartine écrivait d’inspiration, sans prendre souci ni temps de se corriger ; aussi des taches regrettables déparent parfois ses plus beaux poèmes.

Pour développer son jugement, pour exercer son bon sens, le correcteur doit avoir soin d’étudier, dans sa sphère modeste, les manuscrits dont il doit assurer la reproduction fidèle. Un examen attentif de la copie sera pour lui l’occasion sans cesse renouvelée d’apprendre : expressions nouvelles, tours de phrases imprévus, idées inattendues. Rien ne sera plus profitable au correcteur.

Le correcteur ne devra point d’ailleurs s’impatienter des ratures, des surcharges dont le manuscrit serait, le cas échéant, émaillé. Aux plaintes d’un correcteur regrettant « que les marges des manuscrits de Despréaux fussent chargées de corrections », d’Alembert objectait non sans ironie : « Cependant rien n’est plus propre à former le goût que de démêler dans les corrections d’un grand écrivain les motifs des arrêts qu’il a prononcés contre lui-même. » On ne saurait contester le bien-fondé de la remarque de d’Alembert.

Les correcteurs du xve et du xvie siècle — dont, certes, le jugement était de tout premier ordre — ne négligeaient point et ne pouvaient négliger l’étude des manuscrits dont ils avaient à préparer l’impression et à assurer la correction. Non seulement ils déchiffraient le texte, mais encore ils devaient choisir et imposer « ce que le bon sens leur suggérait ».

De nos jours, sous ce rapport, le rôle du correcteur n’a rien perdu de son importance.

Le correcteur doit « pouvoir comprendre la signification des termes techniques » ; il doit pouvoir reconnaître si ces termes sont « tronqués par l’auteur ou le compositeur » et les rétablir sans hésitation dans leur forme normale ; enfin, il doit pouvoir « les lire dans une copie mal écrite ». En ces circonstances le bon sens l’aidera et le guidera aussi sûrement que ferait le manuel le mieux établi.

Le correcteur doit faire appel au bon sens pour les divisions :