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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/401

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demeurer dans l’imprimerie le 1er novembre 1563. Suivant les termes du contrat qu’il conclut à cette date, il devait servir de correcteur pendant un an et revoir le travail de six compositeurs[1]. »

Ainsi le correcteur qui, au xvie siècle, devait assumer la charge du travail de six compositeurs, doit au xxe accepter la vérification des compositions de douze typographes.

Les temps sont changés !

Ils étaient déjà, au reste, changés aux premières années du xixe siècle. Sismondi, un correcteur dont nous ignorons et la situation et l’autorité qui s’attache à son nom, écrivait pendant les Cent Jours : « Dans ce moment-ci, bonne mère, je suis disposé à croire que je ne mérite pas le reproche que tu me fais de perdre mon temps, car je me sens fatigué d’avoir, dans la matinée, lu une feuille en premières et deux en secondes. Pour la première opération je lis trois fois mon épreuve, et deux pour la seconde. En tout, ce sont cinq lectures, dont deux à haute voix, et le degré d’attention qu’elles exigent, ou plutôt l’effort continuel qu’il faut faire pour ne pas se distraire, fatigue énormément. »

Déjà regrettable à l’époque des Cent Jours, l’habitude de surcharger le correcteur est devenue déplorable au début du xxe siècle. En un style vif et imagé — par respect pour un confrère nous n’osons dire « un peu outré » — un correcteur, sous la signature « Un Vieux Pupitre », fit, un jour de « bœuf », de cet usage une critique réaliste : « L’industrie moderne se croit très habile en surmenant les correcteurs ; on les traite un peu partout en tâcherons, en forçats ; on les pousse, on les harcèle… « Allez donc ! Dépêchez-vous donc ! » Et les infortunés, assaillis de toutes parts, surchargés, ahuris, font de la camelote.

« Le nombre des correcteurs est presque toujours insuffisant : économie bien mal entendue, si l’on envisage les résultats. Sans aucun doute, à Paris, il faudrait augmenter d’un quart au moins le nombre des correcteurs, dans les Maisons importantes et pour certains journaux, c’est-à-dire qu’en pratique il faudrait ici doubler presque le personnel, et là donner plus d’élasticité au service, en permettant

  1. Max Rooses, Christophe Plantin, imprimeur anversois.