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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/402

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au correcteur d’emporter du travail au dehors, pour le faire exécuter par un confrère en cas de fatigue[1].

« Il paraît impossible en effet de fournir plus de douze heures de correction sérieuse, à moins d’avoir une vigueur exceptionnelle ; et, en définitive, un correcteur ne s’engage pas à exécuter des tours de force perpétuels et à tenir des records de résistance cérébrale, comme se l’imaginent certains protes peu physiologistes. En face de ces exigences plutôt naïves, qu’on ne saurait trop blâmer, le correcteur se trouve pris entre deux alternatives : refuser un service trop chargé — c’est-à-dire recevoir son « sac » à bref délai, — ou bien accepter la consigne, et risquer une lecture au triple galop, quitte à commettre des gaffes. Alors, entre deux maux, on choisit le moindre, quand il s’agit du pain quotidien.

« L’imprimerie fin de siècle, la librairie aussi ne vivent plus que de travaux hâtifs, et, grâce aux folies de la concurrence, le livre bon marché répand dans le public les chefs-d’œuvre de la littérature et de la science agrémentés de coquilles et de balourdises. Encore doit-on bénir le Ciel que les correcteurs « compound », chauffés « à double courant d’air », ne laissent point passer plus de fautes dans leurs cribles ; ils ont encore assez d’amour-propre pour sauver les apparences dans la déroute générale des marches typographiques et des vieux usages. Sans prestige, sans autorité, ils luttent à la fois contre les manies subversives des clients, contre le mauvais vouloir des compositeurs aux pièces, contre la bousculade des conducteurs. Car il faut que « les moulins tournent », voilà l’essentiel[2]. »

Nous voulons croire qu’à l’heure actuelle les « douze heures de correction sérieuse » du « Vieux Pupitre » ne sont plus dans les ateliers qu’un lointain souvenir, bien que le nombre des correcteurs soit toujours insuffisant : la main-d’œuvre humaine faisant défaut, le machinisme s’est développé rapidement, et dès lors la situation n’a pas trouvé un équilibre cependant fort désirable.

On peut avouer que parfois nombre de correcteurs en prirent

  1. Manière d’agir plus ou moins recommandable en pratique. — En cas d’erreur, de correction négligée ou défectueuse — ces choses arrivent, personne ne saurait le nier — quel sera le responsable si le confrère n’appartient pas au personnel de la Maison ?
  2. D’après « Un Vieux Pupitre » (Circulaire des Protes).