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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/497

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Quelle satisfaction un homme intelligent et honnête peut-il retirer de semblable action ?

Il apparaît ainsi que juger un correcteur dans ces conditions, c’est-à-dire d’après le plus ou moins grand nombre des corrections, c’est s’exposer volontairement à commettre une erreur grossière. Un correcteur ordinaire — médiocre, le mot n’est pas trop fort — verra le travail dont il a assumé la revision revenir avec des pages immaculées. Au contraire, son voisin qui, sans conteste possible, lui est supérieur, aura cette malchance d’apprendre que les pages du labeur dont on lui a confié la vérification, sont couvertes de ratures et de surcharges.

Pour qui juge vite, le mauvais correcteur passera pour être supérieur à son collègue ; et, si l’on n’entre point dans l’examen et l’étude des corrections, le meilleur sera dédaigné et regardé comme un être inutile, un parasite dont il est nécessaire de se débarrasser. Au bout de quelques mois, de quelques jours parfois, avant même qu’on ait eu le temps de se rendre compte intelligemment de sa valeur intrinsèque, on le casse aux gages.

Oh ! ces épreuves d’auteurs, ces bons à tirer, que de ruines n’ont-ils point causées ? À combien de jugements mal assis n’ont-ils point conduit ?

Cette situation anormale est-elle un résultat de cette lutte sans pitié pour l’argent dont notre époque souffre si étrangement ? Nous ne saurions le dire ; mais il nous est particulièrement agréable de penser qu’il est d’heureuses exceptions à ces exemples regrettables. Sans fausse honte, le poète Scarron reconnaissait sa part de responsabilité dans les erreurs qui émaillaient sa prose. En une courte excuse Au Lecteur scandalisé des fautes d’impression qui sont dans mon livre, il écrivait : « Je ne te donne point d’autre errata de mon livre que mon livre même, qui est tout plein de fautes. L’imprimeur y a moins failli que moi, qui ai la mauvaise coutume de ne faire bien souvent ce que je donne à imprimer, que la veille du jour que l’on l’imprime : tellement qu’ayant encore dans la tête ce qu’il y a si peu de temps que j’ai composé, je relis les feuilles que l’on m’apporte à corriger, à peu près de la même façon que je récitois au collège la leçon que je n’avois pas eu le temps d’apprendre : je veux dire,