Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/498

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parcourant des yeux quelques lignes, et passant par-dessus ce que je n’avois pas encore oublié[1]… »

Certains écrivains ont beaucoup plus souci de montrer qu’ils connaissent l’imprimerie que de faire œuvre utile de correction. Le fonds importe peu, la forme seule est l’objet de leurs soucis. Aucune des subtilités typographiques n’est inconnue de ces auteurs : « l’emploi de l’italique est d’une régularité qui étonne ; l’emplacement respectif des guillemets, de la ponctuation, des renvois de notes ne laisse prise à aucune critique ; les nombres à composer en lettres ou en chiffres sont correctement exprimés : le tout indiqué avec des signes de correction impeccables, élégants même ».

Alors l’incident est bien plus grave, bien plus redoutable de conséquences entre le directeur ou le patron et le correcteur. La « correction d’auteur » n’apparaît plus ; la faute typographique seule frappe les yeux.

Mais ces « forts en typographie » ne sont point — à l’exemple de maint correcteur pourvus de leur brevet élémentaire. Si, vers leur vingtième année, ils ont, au contact d’un compositeur ami, acquis un vernis typographique superficiel, ils n’ont point — chose pourtant plus importante — pris garde de suivre l’évolution de notre langue : comme ils ont appris dès leur jeunesse, ils écrivent sans plus de souci, heureux encore s’ils n’ont pas d’eux-mêmes apporté des modifications aussi surprenantes qu’inattendues à une orthographe admise au temps jadis ; au surplus, ils ignorent les dictionnaires, les lexiques dont les éditions se suivent de loin en loin. Les mots d’origine étrangère que les progrès incessants des sciences et des arts introduisent dans la littérature technique leur sont, au point de vue de l’orthographe, complètement étrangers ; nul livre ne leur a indiqué le genre de ces nouveaux admis, non plus que les modifications que le nombre apporte parfois à leur constitution. Aussi l’orthographe est par eux mise à mal avec un sans-gêne dont le dernier des écoliers craindrait les conséquences ; les règles les plus impérieuses de la grammaire semblent leur être choses inconnues ; la ponctuation n’a de nécessité qu’autant qu’elle impose à la phrase un commencement et une fin.

  1. Scarron, « Préface » du Roman comique, édition de Londres, MDCCLXXXV.