Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/516

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et deux autres écus d’or qu’il reconnaît avoir reçus le 20 du présent mois. Beringem[1] s’engage, en outre, à le nourrir à sa table. »

Tout d’abord, cherchons ce que pouvait représenter, en monnaie actuelle (1910), les 12 écus d’or accordés à Philippe Romain pour son engagement. D’après M. P. Mellottée[2], en 1575 (cette année est l’époque la plus proche de 1557 pour laquelle nous ayons rencontré le renseignement), « l’écu d’or vaut 3 livres ». La valeur intrinsèque de la livre tournois en francs, indiquée par M. d’Avenel, pour la période de 1541 à 1560, est de 3 fr. 34, soit, pour les 36 livres de Philippe Romain, 120 francs ; le pouvoir d’achat de l’argent à cette date est évalué par le même auteur à trois fois celui de notre temps (1910). Le salaire de Philippe Romain aurait donc été, pour six mois, de 360 francs, auxquels il faut ajouter la dépense de nourriture, ou 650 à 700 francs environ d’après M. Mellottée. Le salaire annuel de notre correcteur se serait ainsi élevé, le cas échéant, au moins à 2.000 francs[3], le double exactement du tarif accepté par le même M. Mellottée, étudiant le contrat de Denys Cotterel[4], un compagnon typographe.

On conviendra aisément que ce chiffre est fort élevé pour l’époque ; il n’a rien, toutefois, qui doive nous surprendre. Il est en concordance — si l’on tient compte des mœurs et des usages différents suivant les pays, du genre de travail, de la valeur reconnue au correcteur et des préférences des maîtres — avec les tarifs de l’imprimerie Plantin, à Anvers, que nous étudierons plus loin[5]. Il est la preuve manifeste qu’à cette époque le correcteur occupait une situation de premier ordre dans la hiérarchie typographique, et que nombre de maîtres considéraient comme un de leurs principaux devoirs de lui assurer une situation matérielle équivalente.

À l’appui de ces considérations, nous donnerons quelques autres exemples de contrats de travail qui illustreront de manière indiscutable, pensons-nous, ce que nous avons dit relativement à la situation

  1. Il s’agit ici du même Geoffroy Beringuier dénommé ci-dessus. — Les modifications et les erreurs d’orthographe des noms propres sont fréquentes dans les actes notariés de l’ancien temps.
  2. Histoire économique de l’Imprimerie, t. I, p. 308.
  3. Nous pouvons estimer que les 12 écus d’or de 1557 représenteraient, en 1923, une somme égale à près de 7.000 francs.
  4. Voir plus loin, p. 501.
  5. Voir p. 502.