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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1924.djvu/96

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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

lier de Fust et de Pierre Schœffer, les associés de Gutenberg avant novembre 1455.

Johann Brunnen (en latin Johannes Fons, en français Jean Fontaine) fut, suppose-t-on, un profès, un moine fort instruit, de quelque couvent de Mayence. « Heureux et fier de prêter son concours aux travaux typographiques de Schœffer », il eut, comme nombre de ses contemporains — et aussi des nôtres ! — le désir fort humain de transmettre à la postérité le nom à lui légué par ses ancêtres ; mais, ses vœux l’obligeant, sans doute, à l’observance de l’une des principales vertus chrétiennes, la modestie, il tissa autour de sa personnalité un voile qui lui permit de libérer sa conscience du péché d’orgueil. Cette pratique fut, d’ailleurs, à l’époque de la Renaissance, comme elle est de nos jours, on le sait, une coutume fort courante ; toutefois le « pseudonyme » était alors d’autre sorte. Mais citons ici notre informateur :

« Il existe une grammaire latine[1] en vers d’une rareté singulière ; elle se compose de onze feuillets seulement. À la première page est imprimé, en guise de titre, le distique suivant :

O patris æternis fons derivate scalebris,
O Fontis ab internis nunc rutila tenebris.

« Voici le sens qu’une étude attentive nous autorise à lui donner :

Ô fontaine, dont les eaux s’élancent d’une source éternelle et divine, te voilà dégagée des ténèbres qui t’enveloppaient et tu vas couler au grand jour.

« Voici le colophon également en vers :

Actis terdeni jubilaminis octo bis annis
Moguntia Rheni me condit et imprimit annis.
Hinc Nazareni sonet oda per ora Johannis
Namque sereni luminis est scaturigo perennis.

Seize années viennent de s’écouler depuis le milieu du siècle[2] ; je parais imprimée à Mayence, sur le Rhin. Que ta voix, ô Jean, fasse donc retentir un chant de joie en l’honneur du Dieu de Nazareth ; n’est-il pas, en effet, la source vive de la pure lumière. »

  1. Nous aurions aimé savoir qu’un exemplaire au moins de cette Grammaire latine se trouve parmi les collections de notre Bibliothèque Nationale.
  2. Soit 1466.