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Page:Champfleury - Grandes Figures d’hier et d’aujourd’hui, 1861.djvu/142

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RICHARD WAGNER

de l’orchestre que la cause était gagnée. Les musiciens se dérangèrent avec respect et joie, impatients de commencer, et saluant l’arrivée de Richard Wagner par des applaudissements d’archets sur le bois de leurs instruments.


Wagner est pale avec un beau front dont la partie près de la racine du nez offre des bosses très-accusées. Il porte des lunettes et des cheveux abondants sans exagération. C’est une nature bilieuse, ardente au travail, pleine de conviction, aux lèvres minces, à la bouche légèrement rentrée, et le trait le plus caractéristique dans les détails vient de son menton, se rapprochant de la famille des mentons de galoche.

Il y a en lui de la timidité, de la naïveté, du contentement des murmures d’une salle qui paraît disposée à écouter religieusement. De cette personnalité allemande et modeste jaillit une sorte de charme particulier auquel nous ne sommes çuère habitués.


Cet homme, je le sens, n’a rien de commun avec les compositeurs excentriques qui s’habillent bizarrement, essayent d’influencer la salle par un regard satanique, et secouent une longue crinière.

Wagner s’est à peine tourné vers le public, et il est en train de donner ses dernières instructions aux musiciens groupés autour de lui.