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Page:Champfleury - Grandes Figures d’hier et d’aujourd’hui, 1861.djvu/146

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RICHARD WAGNER

Dans la Symphonie des Saisons, Haydn a tenté d’indiquer « le passage de l’hiver au printemps. » Ainsi que celles-ci les paroles suivantes sont textuelles : « les épais brouillards par lesquels l’hiver commence. » Tentatives d’un grand maître qui lui ont attiré de singuliers disciples.

Coucher de soleil, la lune à demi voilée, le chant de l’alouette dans les blés et jusqu’au vol rapide d’un oiseau à long bec traversant le paysage, voilà ce que les singes de la musique imitative ont prétendu montrer dans leurs symphonies.

C’est là ce qu’on pourrait appeler, dans le mauvais sens du mot, du réalisme en musique, l’enjambement monstrueux d’un art sur un autre art, aussi équivoque qu’un cep de raisin greffé sur un poirier.

Wagner n’appartient en rien à cette école. Il semble puéril d’insister là-dessus : mais j’écris surtout pour ceux qui ne pourront entendre ses concerts.

Le compositeur se rapprocherait plutôt des lignes que Beethoven a écrites en regard d’un passage de la Symphonie pastorale : « Plutôt expression de sentiment que peinture. » Belle parole, plus juste que celle de Haydn.


Ce n’est pas encore là ce qui peut rendre la musique de Wagner. Je ne connais ni le sujet de ses opéras, ni la splendide étoffe qui les recouvre. Je n’ai vu que des morceaux de cette étoffe. Il me semble qu’un fragment de tapisserie du moyen-âge me tombe tout à coup sous les yeux. Des têtes de chevaliers, dessinées à l’aiguille à grands traits, apparaissent ; un varlet coupé à mi-corps