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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/93

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en diſent contre les plus ſubtils & les plus habiles, ſans qu’on ait moyen de les conuaincre. En quoy ils me ſemblent pareils a vn aueugle, qui, pour ſe battre ſans deſauantage contre vn qui voit, l’auroit fait venir dans le fonds de quelque caue fort obſcure ; et ie puis dire que ceux cy ont intereſt que ie m’abſtiene de publier les principes de la Philoſophie dont ie me ſers : car eſtans tres ſimples & tres euidens, comme ils ſont, ie ferois quaſi le meſme, en les publiant, que ſi i’ouurois quelques feneſtres, & faiſois entrer du iour dans cete caue, ou ils ſont deſcendus pour ſe battre. Mais meſme les meilleurs eſprits n’ont pas occaſion de ſouhaiter de les connoiſtre : car, s’ils veulent ſçauoir parler de toutes choſes, & acquerir la reputation d’eſtre doctes, ils y paruiendront plus ayſement en ſe contentant de la vrayſemblance, qui peut eſtre trouuée ſans grande peine en toutes ſortes de matieres, qu’en cherchant la verité, qui ne ſe découure que peu a peu en quelques vnes, & qui, lorſqu’il eſt queſtion de parler des autres, oblige a confeſſer franchement qu’on les ignore. Que s’ils preferent la connoiſſance de quelque peu de veritez a la vanité de paroiſtre n’ignorer rien, comme ſans doute elle eſt bien preferable, & qu’il vueillent ſuiure vn deſſein ſemblable au mien, ils n’ont pas beſoin, pour cela, que ie leur die rien dauantage que ce que i’ay deſia dit en ce diſcours. Car, s’ils ſont capables de paſſer plus outre que ie n’ay fait, ils le ſeront auſſy, a plus forte raiſon, de trouuer d’eux meſmes tout ce que ie penſe auoir trouué. D’autant que, n’ayant iamais rien examiné que par ordre, il eſt certain que ce qui me reſte encore a découurir, eſt