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Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VI.djvu/94

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de ſoy plus difficile & plus caché, que ce que i’ay pû cy deuant rencontrer, & ils auroient bien moins de plaiſir a l’apprendre de moy que d’eux meſmes ; outre que l’habitude qu’ils acquerront, en cherchant premierement des choſes faciles, & paſſant peu a peu par degrez a d’autres plus difficiles, leur ſeruira plus que toutes mes inſtructions ne ſçauroient faire. Comme, pour moy, ie me perſuade que, ſi on m’euſt enſeigné, dés ma ieuneſſe, toutes les veritez dont i’ay cherché depuis les demonſtrations, & que ie n’euſſe eu aucune peine a les apprendre, ie n’en aurois peuteſtre iamais ſceu aucunes autres, & du moins que iamais ie n’aurois acquis l’habitude & la facilité, que ie penſe auoir, d’en trouuer touſiours de nouuelles, a meſure que ie m’applique a les chercher. Et en vn mot, s’il y a au monde quelque ouurage, qui ne puiſſe eſtre ſi bien acheué par aucun autre que par le meſme qui l’a commencé, c’eſt celuy auquel ie trauaille.

Il eſt vray que, pour ce qui eſt des experiences qui peuuent y ſeruir, vn homme ſeul ne ſçauroit ſuffire a les faire toutes ; mais il n’y ſçauroit auſſy employer vtilement d’autres mains que les ſienes, ſinon celles des artiſans, ou telles gens qu’il pourroit payer, & a qui l’eſperance du gain, qui eſt vn moyen tres efficace, feroit faire exactement toutes les choſes qu’il leur preſcriroit. Car, pour les volontaires, qui, par curioſité ou deſir d’apprendre, s’offriroient peuteſtre de luy ayder, outre qu’ils ont pour l’ordinaire plus de promeſſes que d’effect, & qu’ils ne font que de belles propoſitions dont aucune iamais ne reüſſit, ils vou-