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5 2 Vie de Descartes.

entre le carré et le bi-carré, etc. S Mathématique universelle, ou science des proportions, voilà donc une première invention de Descartes, et qui suffirait à expliquer son enthousiasme.

Voici maintenant une autre invention, non moins impor- tante. L'Algèbre semblait tenir lieu déjà de cette Mathéma- tique universelle. Mais en l'état où elle se trouvait encore, Descartes n'y voit qu'un « art confus et obscur », dit-il, et non pas une science. Il lui fait surtout deux reproches". D'abord elle emploie des nombres, qu'elle multiplie les uns par les autres ou chacun d'eux par lui-même, de sorte que les pro- duits subsistent seuls dans les équations, sans qu'on puisse en démêler les facteurs : ainsi 225 se trouve être finalement la somme de 144 et de 8i, nombres qui sont eux-mêmes les carrés de 12 et de 9, et 225 d'autre part est le carré de i5 : à pre- mière vue, qui s'en douterait? Ensuite l'algèbre, pour exprimer les puissances d'un nombre, racine, carré, cube, etc., se sert d'un « chiflPre », au sens cabalistique du mot, lequel chiflFre consiste en caractères ou signes, ou figures, ou lettres même, qui n'expliquent point ces puissances, c'est-à-dire qui ne les rendent pas manifestes aux yeux, mais qui les dissimulent au contraire et les masquent, et empêchent qu'on puisse les addi- tionner ou soustraire aisément : ainsi la racine, le carré (quarré), le cube, s'exprimaient par les lettres initiales, R, Q, C, ou par des caractères dits cossiques, ^. ^, Ct, dont Descartes lui-même se servait encore cette année 1619 A ce double défaut, qui entrave l'algèbre et arrête ses progrès, il

a. Tome X, p. 384-387 et p. 463-464. Voir aussi le commencement de la Géométrie: t. VI, p. 369-370.

b. Tome VI, p. 18, 1. i-5 : « on s'eft tellement affuieti à certaines » reigles & à certains chiffres, qu'on en a fait vn art confus & obfcur. » La traduction latine, revue par Descanes, donne, ibid., p. 549 : « Alge- » bram verè, ut folet doceri, certis regulis & numerandi formulis ita effe » contentam. . . « 

c. Tome X, p. 377, 1. 5-j : « fi tantùm multiplicibus numeris & inexpli- » cabilibus figuris, quibus obruitur, ita poffit e.xfolvi... » On interprète ici multiplicibus et inexplicabilibus.

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