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une nuit d’angoisse

ra-t-il de là jamais… torvis ? De l’autre bord, c’est un maquis d’arbustes serrés, obstinés, barrant la marche, agrippant la queue des raquettes… ce qui lui fait retourner la tête et crier : « Sorcière !… ôte-toi, que je passe ! »

Un bel arbre se dresse… « Toi, le vieux sapin moqueur, tu payeras pour eux tous. » D’un coup de hache, une entaille longue et luisante dans l’écorce noire : une plaie saigne de la sève blanche… Le gémissement de l’arbre : que lui importe !… « Ils la verront, leur maudite ligne ! Ah ! toi, la grande épinette, ne t’en fais pas !… ma hache, sens-tu si elle coupe ? »

Une blessure large au flanc de la victime…

Et cela continue un arpent, deux arpents… Tous les arbres des environs, quand le « plaqueur » s’en vient, pleurent de souffrance ou de crainte et de compassion. Quelle inquiétude saisit la forêt !… Mais lui, le bûcheron, ne les aime-t-il pas, les grands arbres de la forêt ?… S’il les aime !… Passant, n’y touche point, cruel, pour le plaisir mauvais de les entailler, de briser les jeunes pousses, le bûcheron te le défendra.

S’il les aime !… eux qui le font vivre. Mais quand le travail commande, ce qui doit tomber, tombera ; ce qui doit saigner du coup de hache, saignera…

L’homme va, taillant, se fâchant, parlant, voix