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Page:Desforêts - Le p’tit gars du colon, 1934.djvu/120

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le p’tit gars du colon

Car, malchance inouïe : l’une de ses raquettes rompait son cercle, soudain, contre un tronc mort caché sous la neige trop molle. L’homme envoya rudement son plus vibrant juron, qui n’était d’ailleurs qu’une sonorité inoffensive.

Il essaya quelque temps d’une raquette unique : cela n’allait pas du tout. Il l’enleva puis, avec l’autre, la suspendit au cou, rejeta la paire sur le dos. Seulement, aux méchants endroits, se courbant pour se dépêtrer, la charge lui revenait sur la poitrine comme un immense médaillon.

Il en riait lui-même : « Ce que j’ai l’air simple un peu » !… De guerre lasse, il ficela l’ornement entre les deux épaules, par la ceinture, et continua son travail.

Il s’obstinait, le brave, à la consigne, la sienne : « Bien ou rien », jamais besogne à demi… ligne droite ou pas de ligne… il n’en dévierait, non, pas d’un pouce… Il était de la race des bons vieux travailleurs, consciencieux, plus rares de nos jours. Et puis, la pointe d’orgueil le stimulait ; il savait bien qu’on dirait : « Regardez-moi donc cette ligne : c’est du Laforêt pur. »

Orgueil pour orgueil, le sien n’était pas gros péché.

Mais il lui en coûtait. Bon ! encore cette coulée creuse à descendre. Tiens-toi bien ! puis à franchir de la neige tassée dur jusqu’aux reins. Sorti-