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Page:Desforêts - Le p’tit gars du colon, 1934.djvu/142

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le p’tit gars du colon

L’on but tout à l’aise, à plat ventre sur le sable tiède, par longues gorgées, dans la coupe large, pleine à déborder, l’eau claire venue des mille sources du nord.

Il manquait aux enfants leur dessert.

Jérémie le servit :

— Vous voulez ; une histoire ? S’ils la voulaient ! la mienne : je la connais mieux.

…Quand ma vieille mourut, nous restions à La Malbaie. Je n’étais plus jeune. Ma fille mariée, mes six garçons établis sur leurs terres : je quittais la place. Je m’en allais vivre seul. Pour vous dire, cette idée-là m’est venue je ne sais guère comment. Toujours que je partis…

Pit Laprise gagnait Chicoutimi : je le suivis. Rendu là… bonté d’un nom ! la ville me tomba sur les nerfs, c’est bien simple… vas dire comme on dit, j’y serais mort dans les huit jours. Je décolle.

…J’entends raconter que, vers le nord, il y avait ce lac… et de la forêt, en veux-tu, en v’là ! et du monde qui bûche là-dedans… Je me cogne le front : j’avais une idée.

Je me grée d’un fusil, d’une hache, d’un brin de manger… marche sur Hébertville. C’était aux approches de tous les Saints… fin d’automne : un bon temps par les chemins : ni chaud, ni froid.