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la traversée du lac

seront-ils rendus au rivage opposé de cette mer ?

De l’eau, de l’eau, de l’eau !

Ils ne parlent plus. Le silence du lac coupé de son étrange murmure, fige les mots aux lèvres. L’immobilité leur pince les jambes. Vraiment les bois, les rochers et les ravins : c’est meilleur ; au moins l’on s’y dégourdit et la gorge et les pieds. Qu’ils voudraient sauter par dessus bord, danser sur les vagues ! Folie ! Folie !

Saint-Pierre lui-même n’y tint pas longtemps.

De l’eau, de l’eau, de l’eau !…

∗∗∗

Vers le milieu du jour, on pointa sur l’ouest. Bientôt parurent les cimes de cyprès, leurs branches, la côte, les bancs de sable. Les petits frétillèrent. Jérémie gronda :

— Vinguienne, ne « grouillez » pas !

Un coup d’aviron superbe et fort… Houp ! plus de la moitié du canot, d’un élan, s’est calé sur un îlot de beau sable fin.

Stoppe et débarque !

On sort une boîte de provisions : les restes froids du beau dîner de la veille.

Une touffe d’osier sauvage a poussé tout exprès, c’est certain, pour hospitaliser sous sa verdure naissante les passagers du canot vert.

Et l’on mordit sans façon dans un gigot de lièvre, dans une aile de perdrix…