Page:Desforêts - Le p’tit gars du colon, 1934.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
le p’tit gars du colon

tend le bras… c’en est assez ;  : on a failli chavirer. Papa gronde. Jérémie n’est pas content :

— Vinguienne de vinguienne ! ne « grouillez » pas.

Bon vieux, soyez, tranquille : ils ne « grouilleront » plus. Ils ont cru mourir !

Le canot file, rapide, bien d’aplomb ; c’est un charme. De l’avant, Sainclair, habile et vigoureux malgré toutes ses années, plonge de l’aviron, régulièrement, et d’un coup d’œil assuré conduit la barque par l’invisible sentier. En arrière Gaudreau l’imite, en cadence parfaite.

Tout à la poupe, siège comme un prince, messire Aimé. Sur le banc du milieu, côte à côte, visages vers l’immensité mouvante, Eugène et Théodule. Accroupi sur la pointe relevée de la proue, petit François, rêveur, les deux mains pendantes submergées par l’eau fraîche qui de plus en plus s’attiédit sous les rayons ardents.

Lequel songe au passé ?… Tout s’est bâclé si vite. Puis, dans l’embarcation fragile, impossible, par prudence, de tourner la tête pour l’adieu, pour le dernier regard à cette rive hospitalière, à la forêt lointaine, à la hutte pauvre qui fut bonne demeure, quatre mois de froidure et de rude besogne, à ceux qui repartent pour d’imprévus lendemains.

Que trouveront-ils de l’autre côté ? Et quand