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Page:Desforêts - Le p’tit gars du colon, 1934.djvu/152

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le p’tit gars du colon

François, l’enfant pieux, sensible et réfléchi, goûte ce réveil de la journée printanière dans la région des sillons nouveaux. La forêt sauvage, le grand lac solitaire n’ont pas cette vie plus sentie, plus familière, plus à notre portée : la vie commençante des terres neuves.

Écoute, écoute, petit gars, souviens-toi, c’est Hébertville revenu ; tous les cris, l’écho de la petite ferme de jadis… six longs mois, tu ne les as plus entendus : le coq, son battement d’ailes bruyant, sa fanfare glorieuse : « c’est moi qui fais le jour ! » ; les bonnes vaches beuglant, impatientes, dans le clos libre ; elles sont massées à la barrière de perches par où doit passer la trayeuse… « Venez, venez ; pour notre beau lait tiède et mousseux ».

Devant la lucarne trop basse pour bien entendre et voir, l’enfant s’est mis à genoux ; — c’est une belle pose au lever du jour — il appuie ses bras croisés dans l’encadrement du châssis ouvert, tout large, tel qu’il resta les heures nocturnes pour le travail vigoureux des poumons ; il pousse dehors sa tête nue caressée par le souffle rafraîchi, baisée par l’ardent soleil. Que voit-il ?… Un sentier longe la maison, va se perdre dans un pré. Soudain paraissent quelques brebis… leurs agneaux… bêlements graves ou jeunets. Des sauts… des arrêts… course reprise : une invisible main leur jette adroitement des poignées de terre ; une