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Page:Desforêts - Le p’tit gars du colon, 1934.djvu/18

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le p’tit gars du colon

charistie, les grains dorés qui donnent la moisson de l’automne et le pain de l’hiver.

Marie-Louise l’avait suivi jusque sur le seuil de la cabane. Son regard ému vit François s’arrêter à l’entrée du champ, se découvrir ; et, comme avant le premier coup de hache sur l’arbre de la forêt, pour mieux jeter la première poignée des grains dans les sillons impatients, le colon fit le signe de la croix.

Son épouse traça, pieusement, elle aussi, le geste qui fait Dieu s’incliner pour bénir.

Mais rieuse, bientôt, jeune, toute à sa joie des espérances débordantes, elle leva les yeux sur le paysage.

Deux grives, à cinq pas, construisaient leur nid dans le cèdre géant épargné pour son ombre :

— François ! François ! Les merles vont nicher…

Il ne répondit pas.

Des mouches à miel allaient et venaient en quête de suc ravivé ; l’immense frondaison des conifères, toujours verts, reprenait sa teinte rafraîchie ; les trembles joyeux agitaient leurs feuillettes neuves, et tous les cerisiers fleurissaient.

François, lui, n’écoutait que l’appel de la terre, ne regardait que ce champ taillé de ses mains. Qu’il lui semblait grand maintenant, tout labouré, tout soigneusement hersé ! et beau surtout, avec