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le p’tit gars du colon

Il ne parla pas ; François et Eugène ne dirent mot non plus.

Quelques nuages paraissaient à l’ouest. Et comme on s’arrêtait près du grain fauché, de derrière la haute forêt fermant l’horizon, des coups de vent soufflèrent, espacés, puis par paquets humides ; Gaudreau en eut un accès de colère ; il se contint pour les enfants qui l’observaient ; il dit sèchement :

— Voilà la pluie… batêche ! Chargeons vite.

François saisit les cordeaux, se tenant seul sur l’échelette du véhicule ; le père reçut et rangea les gerbes que de droite et de gauche lui lancèrent Aimé et Théodule.

Le petit Eugène suivit, égrenant un épi, attrapant une sauterelle… silencieux puisque tous se taisaient, revoyant sur le grand lit la maman toute blême et dont la main lui avait paru si froide.

On devait se hâter. La pluie tombait, poussière d’eau qui s’épaissit, qui dura toute la soirée, puis toute la nuit, noyant les gerbes non rentrées, pourrissant sur pied les grains verts non fauchés. Le désastre prévu s’achevait.

Et l’humidité malsaine de cette nuit d’automne tuait sans bruit, sans secousse, lentement, dans son sommeil inconscient, la pauvre mère épuisée.

Une fois seulement elle s’éveilla. Le petit François ne dormait pas : tant de visions tristes l’obsédaient. Il s’était levé. Pas une étoile ne brillait