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PART. I. — TEXTES DE L’ANCIEN TESTAMENT. — ESDRAS III.

quels ce livre tenait le premier rang, ou des exemplaires latins, traduits sur la version grecque. Et quand les Pères et les conciles[1] des premiers siècles ont déclaré les deux livres d’Esdras canoniques, ils l’entendaient suivant leurs exemplaires, qui ne faisaient qu’un livre d’Esdras et de Néhémias, et qui comptaient pour Ie d’Esdras celui qui est le troisième dans nos Bibles.

Les mêmes Pères grecs[2] et latins[3] citent le livre que nous appelons IIIe d’Esdras, quelquefois même contre les hérétiques, et dans les matières contentieuses, sans témoigner le moindre scrupule sur son autorité. Enfin ce IIIe livre ne contenant que ce qu’on lit dans le Ie d’Esdras, à l’exception de quelques changements, et de l’histoire du problème proposé par les trois gardes du corps de Darius[4], il semblerait trop dur, dit-on, de le ranger absolument parmi les apocryphes, surtout l’Église grecque le recevant pour canonique. D’ailleurs il ne contient rien de contraire, ni à la foi, ni aux bonnes mœurs, et l’histoire du problème dont on a parlé est reçue par les Pères et par plusieurs des anciens et des nouveaux auteurs ecclésiastiques, comme contenant le récit d’un événement certain. Ce sont ces raisons qui ont déterminé Génébrard[5] à soutenir la canonicité de ce IIIe livre. Les Hébreux ne le mettent pas, à la vérité, au nombre des premiers canoniques, mais ils le reçoivent dans les seconds canoniques. Voilà ce qu’on dit en faveur de ce livre.

II. Mais l’Église latine l’ayant rejeté et placé parmi les apocryphes, est-il encore permis de proposer, comme une question soutenable, s’il est du nombre des livres canoniques ? Le sentiment et la pratique des Grecs sont-ils une loi pour nous, surtout depuis le concile de Florence, où l’on ne reçut pour canoniques que ces deux livres, Esdras et Néhémias ? La plupart des anciens Pères qui l’ont cité comme authentique pouvaient ignorer et ignoraient apparemment que ce IIIe livre fût fort différent de l’hébreu. S’ils l’eussent su, ils n’auraient eu garde de le recevoir, puisqu’en tant d’endroits ils déclarent qu’ils ne reçoivent pour authentiques que les livres qui sont dans le canon des Hébreux. Saint Jérôme, qui était plus instruit dans ces matières, rejette les IIIe et IVe livres attribués à Esdras, comme des ouvrages fabuleux et remplis de fictions : Nec apocryphorum tertii et quarti (Esdræ) somniis quisquam delectetur[6]. Tout ce qui n’est point dans les exemplaires hébreux, ajoute-t-il, et qui ne vient pas des vingt-quatre vieillards[7], ne mérite aucune croyance. Si l’on vous objecte l’autorité des Septante, la variété qui se remarque dans leurs exemplaires montre assez qu’ils sont tous renversés et déchirés. On ne peut établir ni assurer la vérité d’un écrit qui est si plein de diversités, et qui s’accorde si peu avec les originaux : Nec potest utique verum asseri, quod diversum est. Saint Jérôme reconnaît donc que les Grecs recevaient ce IIIe livre ; mais il ne laisse pas de le rejeter, comme étant différent du texte hébreu. Quand il n’y aurait que le problème proposé par les trois gardes du roi Darius, il suffirait pour faire regarder tout le livre comme fabuleux. Nous ferons voir ci-après, que toute cette histoire est inventée à plaisir, et qu’elle renferme des contrariétés avec l’histoire du véritable Esdras.

III. Quant à l’auteur du IIIe livre d’Esdras, on peut assurer qu’il est ancien, quoique inconnu, puisque Josèphe et les anciens exemplaires grecs lisent l’histoire du problème qui est rapportée dans son livre. Ce ne peut être qu’un Juif helléniste qui a voulu embellir la vie de Zorobabel par une circonstance qui lui est glorieuse, et qui d’ailleurs est divertissante pour le lecteur. Je ne voudrais point absolument l’accuser d’avoir fait cette addition de mauvaise foi. Il crut peut-être qu’elle manquait au vrai Esdras, l’ayant apparemment trouvée bien établie dans la tradition du peuple. Mais ces traditions populaires ne sont pas toujours fondées sur la vérité ; et souvent une action véritable est gâtée par les circonstances fabuleuses qu’on y mêle. On peut croire que c’est ce qui est arrivé à celle-ci. La fausseté s’y trahit elle-même, comme nous le verrons ci-après ; et on ne peut excuser l’auteur d’avoir renversé plusieurs circonstances du vrai Esdras pour appuyer son roman et pour empêcher qu’on ne s’aperçût de sa fraude.

IV. Le IIIe livre d’Esdras[8] commence par la description de la pâque magnifique qui fut célébrée sous le roi Josias. Il rapporte ensuite la mort de ce prince et l’histoire de ses successeurs, jusqu’à la ruine entière de Jérusalem. Tout cela est tiré des deux derniers chapitres des Paralipomènes. — Le second chapitre raconte la manière dont Cyrus mit les Juifs en liberté, et leur rendit les vases sacrés ; l’opposition que les ennemis des Juifs apportèrent au bâtiment du temple, leur lettre à Artaxerxès, et la réponse de ce prince[9]. — Le troisième chapitre raconte que Darius ayant fait un grand festin à tous les officiers de sa cour, à tous
  1. Concil. Carthag. III, c. 47 ; Can. Apostol., can. 84 ; Laodicen., c. ult.; D. August., De doctrin. christ., 1. II, c. 8 ; Innoc. I, ep. 3. art. 7.
  2. Athanas., oral. 3, contra Arianos ; Justin. martyr., Dialog. cum Tryphon., pag. 297 ; et alii passim.
  3. August., l. xviii Decivit., cap. 36 ; Cyprian., ad Pompeian. Opus imperfectum in Matth., hom. 1.
  4. I Esdr. II, IV, V.
  5. Génébrar., in Chrinico ad ann. 3730, 96,96
  6. Hieron., Epist. ad Domnion et Rogatian.
  7. Saint Jérôme entend par là les vingt-quatre livres qui composent le canon des Hébreux. Voy. le Prologus Galeatus.
  8. III Esdr. I. C’est le même que les deux derniers des Paralipomènes.
  9. Le second chap. du troisième d’Esdras est le même, jusqu’au vers. 16, que le premier du premier d’Esdras ; et depuis le vers. 16 jusqu’à la fin, il est le même que le quatrième du premier d’Esdras, vers. 7 et suivants.