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Page:Dubois - Tombouctou la mystérieuse, 1897.djvu/289

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À TRAVERS LES SIÈCLES

coupe réglée et lui firent la tragique et sordide toilette dans laquelle se présente aujourd’hui la Reine du Soudan.

Voici comment me furent racontés ces temps d’épreuves : « Tu les as vus, les hommes voilés, de sombre vêtus, la poitrine et le dos comme cuirassés de talismans en cuir rouge et jaune ? Quand ils viennent vers nous maintenant, ils sont modestes. Mais avant votre arrivée leurs silhouettes sèches s’avançaient hardies et insolentes à travers la ville, appuyées sur de grandes lances en fer. Chaque année nous leur donnions un impôt, tant en or qu’en nature : céréales, sel, vêtements, turbans, etc. Les chefs et leur suite étaient largement hébergés à chaque visite. Dans le Désert les caravanes qui venaient ici leur payaient un droit de passage, et de même sur le fleuve les navires qui se rendaient à Kabara. Mais tout cela ne leur suffisait pas : c’étaient là les moindres de nos maux ! Du commencement de l’année à la fin ils nous traitaient comme des captifs de guerre, comme des esclaves. Ils arrivaient à tout instant par petits groupes et se dispersaient à travers la ville. Dès qu’on les apercevait, les maisons se fermaient. Mais eux frappaient les portes de grands coups de lance dont partout tu peux encore voir les traces. On était forcé d’ouvrir. Sans faire attention au propriétaire ni à sa famille, ils s’installaient dans les meilleures pièces, forçant tout le monde à leur céder les coussins et les couchettes, et demandaient grossièrement à boire et à manger, exigeant du sucre, du miel, de la viande. Au moment de repartir pour leurs campements, en guise de remerciements, ils volaient quelque objet, et crachaient sur leur hôte.

« Étaient-ils tombés chez un homme peu fortuné qui ne pouvait les satisfaire, ils marquaient leur mauvaise humeur par des dégâts. Essayait-on de leur résister, ils levaient aussitôt la lance. Arrivaient-ils en pleine nuit, il fallait de même leur céder la place, et leur préparer un repas sur l’heure.

« Au marché ils faisaient main basse sur tout ce qui était à