Page:Dubois - Tombouctou la mystérieuse, 1897.djvu/291

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
275
À TRAVERS LES SIÈCLES

« Autrefois les écoles se tenaient devant les demeures des maîtres, et les enfants jouaient dans les rues, comme partout au Soudan. Les Touaregs s’en emparaient, les enlevaient et ne les rendaient que contre de fortes rançons. Aux précautions ils répondaient par la ruse : quelqu’un avait-il caché tout objet de valeur dans sa maison, et le soupçonnaient-ils d’être riche, en se retirant bredouille ils oubliaient n’importe quoi dans la demeure, puis revenaient nombreux et criaient au vol ; on retrouvait en effet l’objet soi-disant volé, et l’homme prudent était forcé de payer une indemnité. »

Les narrateurs entrecoupaient leurs souvenirs de nombreux Imsh’ Allah ! (que la volonté de Dieu soit faite !) résignés. « Et pourquoi ne vous êtes-vous pas unis contre vos tyrans ? leur demandai-Je.

— Oh ! quand on leur résistait c’était pis encore. Un jour un jeune homme revenant du marché, où il avait acheté de la viande, est rencontré par un Touareg qui s’empare de son achat. L’autre résiste, et l’Abandonnéde Dieu le tue d’un coup de lance, pour un morceau de viande ! Une autre fois, une femme qui se trouvait seule à la maison est maltraitée par l’un d’eux. Ses cris attirent son frère qui, pris de colère, blesse mortellement le Touareg. Le vengeur s’est sauvé aussitôt et réfugié à Saréféré. Mais on l’a forcé à revenir, et les hommes voilés lui ont coupé la gorge comme à un mouton.

« Nous ne pouvions rien contre eux parce que nous sommes des marchands et non des guerriers. Et puis, les aurions-nous vaincus qu’ils restaient néanmoins nos maîtres, car ils tenaient les routes des caravanes comme le chemin de Kabara : aussitôt qu’il leur aurait plu, ils pouvaient nous ruiner, et nous faire mourir de faim…

Telle fut existence de Tombouctou durant ces trente-cinq dernières années. On devine les résultats désastreux qu’un