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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

tans, les amples vêtements éclatants de blancheur, les belles robes finement brodées, les Dissas frangées et ornementées qui se jettent sur l’épaule comme la cape du toréador, et ajoutent encore à l’allure solennelle du Soudanais, disparurent. On s’attifa de vieux vêtements, étriqués, dont la malpropreté était le seul ornement, et n’éveillait pas la tentation. La haute canne agrémentée de cuivre ou de fer gravé, sur laquelle le riche Soudanais aime à appuyer sa belle silhouette, devint un simple bâton de bois blanc. Il importait de ne pas trahir l’aisance, de ne pas éveiller l’attention même dans le moindre détail.

Dans leurs rares sorties, les femmes se couvraient d’étoffes grossières, et quittaient leurs ornements d’or et d’ambre. Avant d’aller au marché ou de chercher l’eau aux portes de la ville, les esclaves cachaient leurs modestes bijoux. Pour ne pas exposer les enfants à quelque rapt, on les gardait dans les cours et le maître faisait, de même, l’école à l’intérieur de sa demeure.

Les habitations se travestirent comme leurs propriétaires. Pour ne pas provoquer la visite des hommes voilés, elles non plus ne devaient pas avoir les apparences de la richesse ou de la prospérité. Je n’affirmerai pas qu’on les dégrada volontairement. On laissa le temps et les intempéries faire leur œuvre, sans l’entraver en rien. La couche de crépi s’en alla lavée par les tornades de l’hivernage. Sur les façades, les briques en terre crue se montrèrent à nu. Les murs des terrasses s’effritèrent et leurs petites fenêtres mauresques se déchaussèrent. Devant les maisons, plus de ces larges bancs en terre battue (timtims) sur lesquels les gens aisés passaient les heures de loisir en causeries ou en lectures. On se garda de réparer quoi que ce soit, mais à l’extérieur seulement. Intérieurement on continuait la coutume de l’entretien annuel.

Le décor de la ville représenta bientôt masures et pauvreté. Tout s’émiettait par les rues, sauf les portes cependant, ces