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L’UNIVERSITÉ DE SANKORÉ

Au commencement de sa vie Sidi Yahia voyait le Prophète[1] lui apparaître toutes les nuits. Ensuite, il ne le vit plus qu’une fois par semaine, puis une nuit par mois, puis une nuit par an. Comme on l’interrogeait sur la cause de la diminution de ces apparitions : « Je n’en vois pas d’autre : jadis, je négligeais de faire du commerce, et maintenant j’y donne quelques soins. — Mais que ne laisses-tu ces préoccupations ! — Parce que, répondit Yahia, je ne veux pas avoir besoin de recourir aux hommes. »

Mohammed Neddo, qui gouvernait Tombouctou au nom des Touaregs, un peu avant la conquête de Sunni Ali, était lié d’une tendre amitié avec Sidi Yahia. Vers la fin de sa vie, Neddo vit une nuit en songe, que le soleil s’était couché et que la lune n’apparaissait pas ensuite. Ayant fait part de ce songe à Sidi Yahia, celui-ci lui dit : « Tu ne crains pas d’apprendre ce que cela signifie ? — Je ne le crains pas, répondit-il. — Eh bien ! cela signifie que je vais mourir et que tu mourras après moi, à une date très rapprochée. » Neddo s’assombrit sur l’heure. « Aurais-tu peur ? lui dit Yahia. — Cette tristesse ne me vient pas de la crainte de la mort, répliqua Neddo, mais de la tendresse que j’ai pour mes petits-enfants. — Confie leur sort à Dieu », lui dit son ami. Sidi Yahia ne tarda pas à mourir et peu après Neddo le suivit et fut enterré à côté de son ami dans la mosquée qu’il avait bâtie.

Les marques de faveur divine par lesquelles Allah distinguait les marabouts des autres croyants se manifestaient même après leur mort. Tel cheik avait recommandé que personne ne procédât à sa toilette funèbre, si ce n’est un de ses disciples. Celui-ci trouva, auprès du corps, une cire allumée. Il demanda aux gens de la maison le linceul de son maître.

  1. Mahomet était du reste parmi ses aïeux, paraît-il ; on le fait descendre d’Ali ben Aben Thaleb, le gendre du Prophète.