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SUR LE SOL D’ALSACE

et devra-t-elle souffrir doublement de sa déception ?

Un froid la glaçait pendant qu’elle écoutait Marianne, les yeux perdus dans un lointain inaccessible.

La phrase fatidique que tant de mortels prononcent, les dents serrées et l’échine ployée, s’échappait de ses lèvres : « Si j’avais su… » Elle maudissait la guerre et l’ambition des conquérants.

Mais elle comprit qu’il fallait subir sa destinée ; chacun est conduit au milieu des circonstances qui lui deviennent le plus funestes ; pierre par pierre, on bâtit son calvaire, dont on doit atteindre le faîte, brisé de regrets, rongé de remords. Les hésitations qui, pareilles à des mains secourables tentent de vous arrêter sont repoussées avec insouciance.


Le manoir silencieux dans la neige haute semblait à Mme Ilstein une prison étouffante. Elle faisait, toute seule, de rapides promenades dans les allées balayées. Le silence sombre de l’hiver convenait à ses pensées.