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Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/165

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d’une race exceptionnellement habile à douer de vie la matière, les apparences et leur représentation même, mais gaie, mais familière et bienveillante, fit naître ainsi tout un ordre de dieux qu’elle qualifia de sa propre bonhomie. Ces magnifiques inventeurs de monstres savent admirablement associer le terrible et le comique avec une nuance d’humour respectueux dont l’accent est difficile à bien saisir. De là une luxuriance de divinités qui ne sont pas toutes l’image de l’aveuglement et de la férocité. Dans ces terres chaudes d’Asie, elles fourmillent. Elles se mêlent à l’existence de chaque jour, non pour la terroriser, mais comme un rappel de la vie cachée des choses. Elles sont une poésie majestueuse et familière, tantôt un compagnonnage auguste, tantôt une menace qu’on peut désarmer.

Quant aux morts, ils font rayonner sur les vivants plus de vérités bienfaisantes qu’ils ne les enchaînent par la peur de leur méchanceté. La croyance populaire aime à préciser leur influence sous une forme à la fois concrète et lyrique. Les esprits circulent parmi nous pour accomplir des missions mystérieuses, pour achever des tâches interrompues, pour attester la fidélité aux souvenirs par delà la tombe. La fiancée qui n’a pas connu les noces revient, métamorphosée en papillon, chercher à l’heure suprême le vieux fiancé que les ans n’ont pas consolé. Par la tradition de l’exemple, par le culte des ancêtres héroïques, les morts sont surtout les éducateurs de l’énergie ; ils