Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/166

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montent une garde ininterrompue autour de l’empire des vivants ; ils sont la chaîne des générations, la leçon toujours présente, la grande généalogie des devoirs éternels.

Par là, la religion des morts est une source de grâce efficace, un trésor inépuisable de vertus actives. Elle n’est pas seulement un contrôle, elle est un entraînement. D’ailleurs sous ses formes archaïques, le Sintô se présente comme une discipline pleine de rudesses, une religion d’effort et de pureté, qui pratique les ablutions ascétiques et les grandes lustrations solennelles. Sans doute, à cet égard, les ans ont assoupli la rigueur de ses commandements. Mais la communauté éprouve toujours le besoin d’être parfaitement en règle à l’égard de ses obligations, et, il y a peu de temps, subsistait encore dans certaines provinces la coutume de déléguer chaque année et pour une année un ascète temporaire, en général un vieillard connu pour ses vertus, chargé d’aller prier dans la solitude et de remplir scrupuleusement tous les devoirs que la piété relâchée des fidèles ne leur permettait pas à tous d’accomplir avec une égale ferveur. Coutume pleine de la plus fine et de la plus exacte sagesse, grave et spirituelle conciliation des devoirs du groupe et des faiblesses de chacun ! Un peuple qui conserve avec cette intégrité, avec ce tact exquis, ses institutions religieuses, sans asservir rudement sa vie, sa capacité d’évoluer, est assuré de se maintenir toujours sur le plan le plus élevé. Je m’arrête, car je pourrais être