Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/18

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tues miraculeuses en est la lointaine survivance. Avant d’être une élévation désintéressée du cœur, la prière adressée aux images fut une forme de conjuration. Ce que le vocabulaire des critiques appelle la magie de l’art n’est pas un vain mot pour l’Asie et même pour les civilisations de l’Orient classique. La religion fut la première technique de la vie sociale, et l’art fut la première technique de la religion. La magie est à l’origine du culte des images, elle a inventé les images mêmes. L’art funéraire de l’Egypte ancienne lui doit son ampleur et son éclat. Les belles peintures décoratives des tombes, à jamais murées dans le silence et dans la nuit, n’étaient pas destinées à procurer à des visiteurs d’agréables émotions, puisque toute visite était impossible : par des représentations fidèles, elles assuraient au mort les nourritures, les esclaves et les domaines nécessaires à sa vie posthume. Les statues fixaient l’existence du double et l’empêchaient de mourir pour toujours. La Chine médiévale conservait des traditions du même ordre. « Héritière des idées des Han, dit Petrucci[1], elle était pleine de rêveries singulières ; magiciens et sorciers y régnaient en maîtres… La vitalité des idées magiques sur la valeur de l’image nous est démontrée par l’histoire légendaire des vieux peintres, aussi bien en Chine qu’au Japon. On parle encore au VIIIe siècle d’un cheval de Han Kan s’échappant du papier ou d’un dragon de Wou Tao-tseu s’envolant de la soie, dans le tumulte et dans la nuée, dès que le maître eut, après que la peinture était achevée, peint les yeux. » Il n’est

  1. Encyclopédie de la peinture chinoise, pp.  11-12.