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Page:Fouillée - Descartes, 1893.djvu/19

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L’HOMME.

un art que le jeune savant devait toujours aimer.

Au bout de deux ans, Descartes quille la Hollande pour l’Allemagne et prend part, dans les armées de l’électeur de Bavière, aux premières luttes de la guerre de Trente Ans. Il ne devait faire autre chose, pendant plusieurs années encore, que « rouler çà et là dans le monde, tâchant d’y être spectateur plutôt qu’acteur, dans les comédies qui s’y jouent ». Au commencement de 1619, l’hiver s’arrête sur les frontières de la Bavière, à Neubourg, sur le Danube. Ne trouvant « aucune conversation qui le divertît », n’étant troublé « par aucun soin, ni par aucune passion », il demeurait seul enfermé tout le jour dans une petite chambre chauffée par un poêle, « où il avait tout le loisir de s’entretenir de ses pensées ». C’est un moment solennel, et dans la vie de Descartes et dans l’histoire de la science, que cet hiver de Neubourg, où le jeune homme découvrit, avec l’application de l’algèbre à la géométrie, les règles de la mathématique universelle. Son imagination était surexcitée, il vivait dans un monde de figures et de mouvements qui lui apparaissaient se combinant à l’infini, selon des lois de composition régulière : c’était le monde des possibles, lié par un lien secret au monde des réalités. Comment trouver ce lien ? Une clarté se fit dans son esprit : il se représenta les vérités géométriques d’une part, les vérités arithmétiques ou algébriques de l’autre, comme ne faisant qu’un dans une science générale de l’ordre et des proportions, qui serait « la mathématique