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Page:Fouillée - Descartes, 1893.djvu/95

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la critique de la connaissance.

le souvenir au souvenir. Or, demande Descartes, qui nous garantit l’absolue véracité de notre mémoire ? Quand nous sommes au bout d’une démonstration géométrique, qui nous assure que nous n’avons point, le long du chemin, fait quelque oubli, comme dans une addition ou soustraction, et laissé échapper un anneau de la chaîne ?

Enfin il est d’autres raisons de doute, plus profondes encore, que Descartes tire de la nature de notre volonté. Notre volonté a besoin d’agir : toujours en mouvement, elle se porte sans cesse dans une direction ou dans l’autre ; vivre, c’est agir ; agir avec conscience, c’est juger ; juger, c’est prononcer sur les choses « hors de nous » au moyen d’idées qui ne sont qu’en nous ; c’est donc se tromper souvent et peut-être sans cesse. Pour agir, parler, affirmer (trois choses de même nature), nous ne pouvons pas toujours attendre que la clarté soit faite dans notre esprit, que le soleil de la vérité se soit en quelque sorte levé sur notre horizon. La vie nous presse et nous appelle, la passion nous précipite, nous sommes impatients de conclure ; souvent même, dans la pratique, il faut prendre parti et ne pas rester en suspens. C’est alors que, par nos affirmations sur le réel, nous dépassons nos intuitions intérieures, et ces affirmations sont des actes de volonté, non pas sans doute arbitraire, mais de volonté néanmoins ; c’est-à-dire que notre activité se détermine dans un sens ou dans l’autre sous l’influence de la passion et du désir, non pas seulement de la raison. Dès