qu’il est impossible de lire sans que les yeux se mouillent de larmes ; Chatterton, son grand succès ; la Maréchale d’Ancre, un drame demi-tombé ; Quitte pour la peur, un délicieux pastel, et une traduction du Marchand de Venise qu’on devrait bien jouer comme hommage à sa mémoire, en ce temps où les chefs-d’œuvre n’encombrent pas les cartons.
Jamais le poëte n’eut de défenseur plus ardent
que de Vigny, et quoique Sainte-Beuve ait dit de
lui en toute bienveillance et admiration du reste,
en parlant des luttes de l’école romantique,
. . . . . Et Vigny plus secret.
Comme en sa tour d’ivoire, avant midi, rentrait,
du fond de sa retraite il maintenait les droits sacrés
de la pensée contre l’oppression des choses
matérielles. Il réclamait à grands cris, lui qui
avait l’un et l’autre, du temps et du pain pour le
poëte. Cette idée l’obsédait ; il la développe sous
toutes ses faces ; dans Stello et dans Chatterton il
lui donne l’éclatante consécration du théâtre. Il regarde
avec raison le poëte comme le paria de la
civilisation moderne, qu’on repousse de son vivant
et qu’on dépouille après sa mort, car lui seul ne
peut léguer à sa postérité le fruit de ses œuvres.
Quand on pense à de Vigny, on se le représente involontairement comme un cygne nageant le col un peu replié en arrière, les ailes à demi gonflées par la brise, sur une de ces eaux transparentes et diamantées des parcs anglais ; une Virginia Water