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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/346

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sacrée, le nombre mystérieux, elle fausse le timbre de ses rimes ôl laisse s’introduire dans ses vers des phrases de plomb prises au journal ou au pamphlet. Ce n’est pas qu’elle se refuse absolument à l’inspiration contemporaine ; elle peut être émue des grands événements et jeter dans l’ode un cri sublime, mais elle veut garder la liberté d’aller à ses heures écouter dans les bois les voix éternelles de la nature ou reprendre grain à grain le chapelet de ses souvenirs. Elle fera toujours aux partis la fière réponse du poète allemand Lenau.

« La poésie alla dans le bois profond, cherchant les sentiers sacrés de la solitude : soudain s’abat autour d’elle un bruyant essaim qui crie à la rêveuse : « Que cherches-tu ici ? laisse donc briller les fleurs, murmurer les arbres, et cesse de semer ça et là de tendres plaintes impuissantes, car voici venir une école virile et faite pour les armes ! Ce ne sont pas les bois qui t’inspireront un chant énergique. Viens avec nous, mets tes forces au service de notre cause ; des éloges dans nos journaux récompenseront généreusement chaque pas que tu feras pour nous. Élève-toi à des efforts qui aient pour but le bonheur du monde ; ne laisse pas ton cœur se rouiller dans la solitude ; sors enfin de tes rêves ; deviens sociale ; fais-toi la fiancée de l’action, sans quoi tu te rideras comme une vieille fille ! »

« La poésie répondit : « Laissez-moi : vos efforts me sont suspects ; vous prétendez affranchir la