Aller au contenu

Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le sommeil sans terme, la nuit éternelle, la mort libératrice, on voit que Mme Ackermann en est arrivée comme le poète italien à goûter le charme de la mort. Elle redoute le souvenir comme une nouvelle souffrance. Un critique très-compétent, M. Lacaussade, s’exprimait ainsi à propos d’elle : « Elle a des pièces d’un grand souffle, par exemple, les Malheureux, où se trahit magnifiquement la lassitude des jours. On y sent la contemporaine par l’âme des grands élégiaques modernes.

« Le scepticisme douloureux, le doute philosophique, la protestation de la conscience en face de l’énigme de la vie, mélange inextricable de bien et de maux, la révolte de la raison s’écriant avec désespoir :

Celui qui pouvait tout a voulu la douleur,

toutes ces angoisses de l’âme s’expriment en beaux vers dans le Prométhée de Mme Ackermann. »

Mme Blanchecotte a un tout autre tempérament poétique. Elle a mérité une couronne académique pour son premier recueil Rêves et réalités. Élève de Lamartine, elle a gardé du maître la forme et le mouvement lyriques, mais avec un accent profond et personnel qui fait penser à Mme Valmore. Comme celle-ci, Mme Blanchecotte a souvent des éclats et des véhémences de passion d’une sincérité poignante. Elle a de vraies larmes dans la voix. Elle peut dire avec, vérité : « Ma pauvre lyre, c’est mon âme. »