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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/403

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Née dans une position obscure et difficile, elle en est sortie grâce à des efforts persévérants. Elle s’est faite elle-même ce qu’elle est. Ouvrière par nécessité, elle a su économiser assez de son temps pour se donner une instruction rare chez une femme ; elle sait l’anglais, l’allemand et même le latin. Sa lecture est étendue et variée. En résumé, c’est une intelligence assez forle pour n’être pas dupe de son cœur. Elle a écrit en bonne prose des pages de moraliste qui prouvent que cette élégiaque sait observer aussi bien que sentir. Béranger l’appréciait beaucoup, Saint-Beuve fait grand cas de son talent et de son caractère. Elle est l’amie de Lamartine, la visiteuse assidue de ses tristesses et de son foyer délaissé. Mme Blanchecotte, la chose est assez rare pour qu’on la remarque, a contribué comme correctrice à la publication des Quatrains de Khèyam, un poëte persan d’un mysticisme lyrique encore plus raffiné que celui de Hafiz et de Sadi.

Ce n’est pas tout ; il n’y a pas en France que des poëtes français. La vieille Armorique a encore des bardes et la Provence des troubadours. Brizeux, l’auteur de Marie, est aussi l’auteur de Leiz-Breiz, un recueil de poésies en pur celtique. Tout récemment, un Breton, M. Luzel, qui chante dans l’idiome du barde Guîclan, a fait paraître des légendes locales dont nous ne pouvons apprécier la poésie que par la traduction juxtaposée. Le mérite du style et de la facture nous échappe nécessairement ; il faudrait pour le goûter être un descendant des Kimris,