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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/60

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glais à une profondeur où nul ne serait arrivé encore.

Bref, il essayait pauvre, obscur, sans ressources, au prix des plus dures souffrances silencieusement supportées, car il était de ceux à qui il semble naturel de mourir de faim, de mener à bien ce gigantesque travail auquel il se préparait depuis 1830 par de si opiniâtres et si consciencieuses études.

Ce que voulait faire le pauvre Jules Vabre, François-Victor Hugo, le second fils du grand Victor, l’a réalisé dans les tristes loisirs de l’exil sur le même plan romantique ; telle devait être, en effet, une traduction de Shakspeare faite par le fils d’Hugo.

Vabre nous interpréta de vive voix, le livre à la main, des passages d’Hamlet, d’Othello, du Roi Lear, avec une saveur locale, une propriété d’expression et une pénétration de sens qui nous les firent trouver tout nouveaux. Nous lui entendîmes aussi expliquer, dans une prévision de ballet, à Carlotta Grisi, qui dansait alors à Londres et à qui nous l’avions présenté, la Tempête et le Songe d’une nuit d’été de la façon la plus poétique et la plus ingénieuse. Si les projets de chorégraphie avaient eu des suites, les rôles de Miranda et de Titania n’auraient plus eu de secrets pour leur charmante interprète.

Bien avant Taine, comme on a pu le voir par son paradoxe sur la manière d’apprendre l’anglais, Jules Vabre avait inventé ou deviné la théorie des milieux comme il avait déterminé les lois de la vraie traduction shakspearienne avant François Hugo, qui ne le connut même pas de nom et les trouva tout